Je vois que la question des pratiques d'interrogatoires de l'époque Bush suscite de nombreux commentaires, et je m'en réjouis.
Voici, à nouveau, de quoi nourrir le débat.
(Guantanamo, photo D Le Du/RFI)
Certains de mes confrères américains ont eu le temps et la patience de décortiquer les notes internes publiées la semaine dernière par l'administration Obama.
Le New York Times révèle ainsi que Khalid Sheikh Mohamed, l'un des cerveaux présumés des attentats du 11 septembre, a subi 183 séances de waterboarding, le supplice de la noyade.
Abu Zubaydah, pour sa part, haut cadre présumé d'Al Qaida lui aussi, y a eu droit 83 fois.
Il y a deux ans, un ex agent de la CIA avait affirmé à la presse que Zubaydah avait livré tout ses secrets après une seule séance de waterboarding de ... 35 secondes.
Voici ce qu'a dit Barack Obama, ce lundi, devant les agents de la CIA. (traduction de votre blogueuse...)
"Ce qui distingue les Etats-Unis, c’est précisément le fait que nous voulons promouvoir nos valeurs et nos idéaux même quand c’est difficile, pas seulement quand c’est facile, même lorsque nous avons peur et que nous sommes menacés, pas seulement lorsque c’est opportun de le faire. C’est ça, qui nous rend différents.
Donc, oui, votre travail est plus difficile. Le mien aussi, et c’est bien comme ça. Parce que c’est la raison pour laquelle nous pouvons être si extraordinairement fiers d’être Américains. Et à long terme, c’est la raison pour laquelle je pense que nous vaincrons nos ennemis. Parce que nous sommes du bon côté de l’Histoire »
Alors, évidemment, chacun de nous est libre de ses opinions. Et heureusement.
Loin de moi, très loin, l'idée d'avoir la moindre once de sympathie pour Khalid Sheikh Mohamed -j'ai été l'une des rares privilégiées à pouvoir assister à des audiences préliminaires à son procès, en décembre à Guantanamo, je l'ai vu, de mes yeux, et je l'ai surtout entendu. Sinistre personnage.
Mais tout de même. Quelques remarques, tirées de ce séjour à Guantanamo où, en cotoyant les juges et les avocats, j'ai appris beaucoup de choses.
A cause de ces méthodes d'interrogatoires de la CIA sous George W Bush, la justice américaine est face à un problème. Les "aveux" des terroristes présumés sont "tainted", souillés, donc irrecevables, parce qu'obtenus sous la torture. Dans bien des cas, la totalité des dossiers d'instruction sera donc à reprendre.
Ensuite: les cerveaux sont les cerveaux, certes. Mais beaucoup des détenus de Guantanamo sont, à la suite justement des traitements qui leur ont été infligés, devenus "psychologiquement malades", ce qui veut dire pudiquement que ça les a rendu fous. Difficile, après cela, de faire la part des choses, de ce qu'ils ont fait ou de ce qu'ils n'ont pas fait.
Et puis, je vous le dis comme je le pense. Je crois être une personne à peu près normalement constituée. Infligez moi le waterboarding, le supplice de la noyade, privez moi de sommeil ou enfermez-moi avec des araignées. J'avouerai tout ce que vous voulez, jusqu'à l'assassinat de John F. Kennedy, si ça peut vous faire plaisir.
Et vous serez bien embêtés, après, lorsqu'il s'agira de faire justice.
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